Par où
commencer… ? Par nos pieds, pardi. Nos pieds qui ont quitté le confort
sportif de Nike pour l’élégance décontractée de Converse.
On est comme ça,
chez nous. On a le pied branché.
Ce n’est pas
clair ? C’est pourtant simple : l’Homme est devenu Calife à la place
du Calife. Et crois-moi, c’est un super Calife. Il est Calife depuis le 1er
mars et règne sans partage sur un nouveau territoire à étoiles.
Un territoire
qui se situe, à la louche, à 230 kilomètres de chez nous. Alors, évidemment, ça
suppose quelques adaptations.
Déjà, il ne vit
plus à la maison et a posé ses pénates, oreillers à mémoire de forme et
consoles dernier cri, chez mes parents.
Chez mes
parents, ui ui.
Ne t’étonne pas,
mes parents sont HYPER accueillants. HYPER gentils, HYPER attentifs, et
surtout, HYPER motivés. Car comme le dit l’adage : on n’attrape pas des
mouches avec du vinaigre. Ou, plus, trivialement, on n’attrape pas Flore et ses canetons sans Nicolas.
Parce que si tu
calcules bien, 230 kilomètres ça fait grosso modo Lançon et les terres
Bronbron. Là où, à terme, nous déménagerons. (A terme, ça veut dire cet été. Le
terme est proche, t’vois, moins qu’une gestation. J’ai tardé à annoncer la
nouvelle. A croire que j’ai fait un petit déni. Bref.)
Le voilà donc,
mon cher et tendre, à la barre de son nouveau navire la semaine, et les
week-end à Nice. Il navigue, plutôt à l’aise, entre des semaines bien chargées
à monter puis à tenir sa nouvelle équipe, et des dimanches-lundis chez lui, à
profiter de son pré retrouvé. Il vit à 100 à l’heure, l’esprit bien occupé mais
heureux de cette nouvelle aventure méritée, de ce défi sans cesse relevé.
Bien sûr, il est
un peu triste de quitter Nice et ses anciens vendeurs éplorés. (Note, je les
comprends, parce que ça me fait un peu le même effet.) Il laisse son magasin à
virgules et beaucoup de lui dans ses rayons multi-couleurs, fleurant bon le
plastique neuf et le sportif réjoui. Il part, chargé de cadeaux d’adieu et de
mots doux, l’esprit un peu chagrin mais pas trop quand même parce que vois-tu,
en vrai, Converse appartient à Nike. Il reste donc en famille, ce qui augure de
régulières cousinades américaines.
Le chanceux.
Et mon nombril,
dans tout ça ?
D’abord, mon nombril n’a pas à se plaindre, il a dit oui et c’est un peu tard
pour regretter.
Ensuite, il a
les yeux des enfants rivés sur lui, alors il sert les fesses et affiche un
grand sourire serein et sûr de lui. Oui, mon nombril fait tout ça.
N’empêche, ni lui
ni les enfants ne sont bêtes, tous ont bien compris ce que signifiait ce
nouveau poste pour Nicolas : nous allons quitter Nice.
Quitter Nice,
pour mes bébés niçois, ce n’est pas un drame. D’autant qu’il y a la promesse de
se rapprocher des grands-parents, de trouver une petite école un peu plus calme
que la leur, un paysage sans béton et peut-être, peut-être, un jardin avec un
chien.
Diane espère
qu’elle pourra aller chez Mamili à vélo et qu’on invitera ses copines niçoises
à nous rendre visite. Thomas espère
qu’il connaîtra rapidement la couleur de son prochain tablier scolaire et qu’on
continuera à prendre le train régulièrement.
Sinon ça va, ils
ne sont ni vraiment inquiets, ni trop perturbés par l’absence de leur père.
Bon, bien sûr,
les semaines « garderie le matin » et « étude le mercredi »
sont parfois un peu longues. Bien sûr, leur mère n’est pas toujours d’une
humeur douce et tranquille, ils doivent souvent filer droit et vite pour éviter
ses grognements. Bien sûr, il faut grandir vite, s’au-to-no-miser (ça veut dire
faire ses lacets tout seul ou, à défaut, ceux de son frère, pendant que leur
génitrice court après le cartable, la brosse à dents, son rouge à lèvres ou un
porte-clefs), mais dans l’ensemble, ils se débrouillent bien.
Et puis il y a
un gros avantage : le dimanche, on rattrape tout ça, à coup de câlins dans
le lit parental, de fast-food, de parcs et de trampolines toussensemble.
En ce qui me
concerne, les choses sont un chouïa moins simple. Même si j’adore aussi les
dimanches fast-food. Car vois-tu,
quitter Nice, ce n’est pas seulement quitter mes copines chéries, mon cours de
zumba adoré, mon immennnnnse appartement, et cette ville que je connais
absolument par cœur. C’est d’abord et avant tout : quitter mon boulot.
Je l’admets,
j’ai souvent râlé contre mon travail. J’ai parfois pesté le dimanche soir et
traîné des pieds sur le chemin. Mais en vrai, je l’aime bien, ce job. Il a du
sens. J’y suis bien, à l’aise, facile, confortablement installée à un poste que
je maîtrise, rassurée par la confiance de ma hiérarchie et motivée par de
lointaines mais jolies perspectives d’évolution.
Alors m’en
aller…. Enfin, disons que ça ne me serait pas venu à l’idée.
J’ai annoncé mon
départ mi-février. Sans pleurer, parce que je suis majeure et vaccinée. Mais
leur déception vaguement réprobatrice a fait écho à mes scrupules. Les lâcher
maintenant, à 5 mois du 14 juillet ? Et alors que mon grade n’est pas
encore validé ?? C’est risqué et ingrat. Alors j’ai négocié un départ à la
fin de l’été, après les commémorations, une fois ma principale charge de
travail effectuée. Pour ne pas partir comme une voleuse, pour nous laisser à
tous le temps de nous retourner. Pour faire traîner en longueur les aurevoirs.
Et pour grappiller encore quelques mois de salaires.
Car après, où
aller ? Comment vivre, comment retrouver du travail, ce travail dont
dépendent maison, jardin, chien, piscine, veau, vache et cochon ?
Alors, j’ai
retroussé mes manches et me suis lancée dans la grande aventure de la recherche
d’emploi. CV, lettre de motivation, je me suis ruinée en carnets de timbres.
Prises de contacts, coups de téléphone, demande de rendez-vous, je me suis
prise suffisamment de râteaux pour ouvrir un Castorama. J’ai sonné aux portes
de mes grands chefs, j’ai sollicité des soutiens et offert mes services à
droite comme à gauche. Littéralement. Pour les uns, je suis trop de droite,
justement. Pour les autres, pas assez. Pour Marseille, je suis trop niçoise,
moi qui suis née en Picardie et ai grandi dans les Bouches-du-Rhône. Pour un
responsable RH que j’ai rencontré, mes boucles d’oreilles sont trop brillantes,
et puis je suis trop souriante.
Trop maman, trop
jeune, trop diplômée…
Trop marre,
quoi. Mais bon, je ne baisse pas les bras, et j’en récolte les tout premiers
fruits. Deux entretiens d’embauche à venir. Deux sur un bon milliard (au moins)
de démarches, c’est déjà ça. Il n’en suffit que d’un, il paraît. Alors je vais
ressortir mon tailleur spécial oral de concours, mon sourire le plus pro et mon
brushing le plus impeccable, et on verra bien ce qu’il en sortira.
Et puis j’ai un
nouvel atout. Un atout de maître auquel je ne croyais plus mais qui va,
grandement, me faciliter la vie : j’ai passé mon permis.
Oui, je sais, il
était temps. Mais là, j’étais ultra méga motivée (traduction : ultra méga
stressée-paniquée). Car figure-toi qu’à Lançon, il n’y a pas de tramway. Non.
Et je ne me voyais pas chercher du travail à vélo. Non non non.
Alors, je me
suis retroussée les manches qu’avaient de toute façon pas eu le temps de
retomber, et j’ai passé code et conduite. Avec pertes et fracas, hein, parce
que c’était pas une partie plaisir et que j’y ai laissé un sacré paquet de
plumes d’orgueils. Mais le ridicule ne tuant pas, j’ai survécu, raté mon permis
une fois, deux fois, maudit la terre entière, rongé des ongles que je n’avais
plus, et réussi la troisième fois. (Le 27 avril 2017. Je note pour ne pas
oublier. Après tout, c’est au moins aussi important que la première dent de
Diane.)
Pas eu le temps
de sortir le champagne du frais que mon amoureux (soulagé aussi) m’offrait une
voiture. Très, très mignonne, cette petite voiture. Mais pas très, très
obéissante. Il va me falloir encore quelques temps pour l’apprivoiser
complètement. Pas grave, du temps, j’en ai encore un peu, et puis malgré tout,
tout sera plus simple avec elle.
Et nous voilà
donc, les Web-Bronbron, avançant pas à pas sur le chemin de l’aurevoir à Nice.
Rien ne sera simple, entre recherche d’emploi, d’appart’, d’entreprises de
déménagement, couper l’eau et l’électricité, déposer nos préavis, faire nos
comptes et le deuil de cette ville qui m’aura donné 10 belles années, 2 beaux
enfants, un joli mariage et mon premier vrai travail.
Mais ce n’est
qu’une étape de plus, la Vie vitesse grand V, il y a surement aussi bien,
peut-être même mieux, qui nous attend ailleurs. Et au pire, on fait une bonne
équipe, tous les 4, de celle qui danse sous les orages.
Et puis c’est
sûr, à Nice on reviendra.
Premières plages et (vraies) baignades de l'année.